L'objectif était très simple : se relaxer.

En surface, ce n'était rien de plus compliqué que ça. Un jour de congé après toutes ces promotions, efforts, affaires étranges et bobos - quoi de plus normal que d'envoyer l'un de ses meilleurs agents se refaire une beauté dans l'un des hôtels les plus luxueux de Death City! Avec un ciel si dégagé et des conditions météos si agréables ; Sui devrait être absolument aux anges de pouvoir dormir sur ses deux oreilles!

Ou bien en tout cas, c'est ce que Mr.Wells avait espéré, lorsqu'il eut empêché le petit agent de rentrer dans le bureau d'investigations tôt le matin. Normalement, tout ça aurait pu se résoudre par un simple acquiescement et une courbette de la part du mignon et docile petit androgyne..- mais il n'en était rien. Il avait beau avoir un minois angélique, son tempérament semblait violemment basculer à chaque fois que le travail entrait dans le périmètre de discussion. Un travailleur aussi acharné, bien des sociétés et organisations se l'arracheraient... et pourtant, le grand homme aux cheveux grisâtres fut obligé de se saisir du petit Meister comme d'une poupée de chiffon et le presser hors du bureau et droit vers le taxi.

- MAIS JE VEUX BOSS---
- TA GUEULE ET DORS, SALE MIOCHE

le claquement de la porte fut plus violent que le chauffeur aurait préféré; mais il n'allait certainement pas toucher deux mots à la brute à l'extérieur du véhicule; dont les gestes et la carrure lui donnaient des faux-airs de gorille à lunettes par moments. Sui eut à peine le temps de rattraper son sac-à-dos par la fenêtre lorsque celui-ci lui fut jeté. Et à sa surprise... il était bien plus lourd que lorsqu'il l'avait posé près du casier dans les vestiaires.

Son faciès décrivait parfaitement la situation, alors que la voiture démarrait et s'éloignait dors et déjà du collègue de Sui; qui avertissait avec grande gentillesse qu'il allait lui tordre le cou s'il ne revenait pas au poste avec au moins vingt-quatre heures de sommeil au compteur - tout ça par les gestes; alors que le vroomvroom jaune s'élançait sur la route telle une gazelle fuyant un lion. Sui grimaça, avant que la réalisation ne le frappe soudainement - le poids de son sac était manifestement différent; et il ne s'agissait pas seulement de l'effet de surprise de le voir foncer à Mach 20 dans ses bras; non. Il y avait quelque chose de lourd à l'intérieur, en plus de l'arme corrompue.

L'espace d'un instant, Sui sentit le sueurs froides parcourir son corps. L'idée que quelqu'un ai regardé à l'intérieur pour ajouter quelque chose signifiait qu'il y avait une chance pour que Neil ai été découvert.

- *Calmes-toi un peu. Il a raison, si tu continues à stresser comme ça, tu vas perdre ta jeunesse, Petit Sui.*

La voix calme et nonchalante de Neil semblait complètement inchangée d'habitude. C'était bon signe - il avait très certainement pris refuge dans la partie arrière du sac lorsque celui-ci fut envahis. L'air de gommer de son visage un peu de sa frustration; Sui attacha sa ceinture de sécurité et se saisit du ticket dépassant de la poche frontale. Il n'avait même pas dit au chauffeur où il se rendait, et pourtant celui-ci avait dors-et-déjà pris la route. Cela amena Sui à se poser une question..

- ...à quel point est-ce qu'il a planifié tout ça, le vieux?..

Il était arrivé à l'office plus tôt que lui - jamais personne n'arrive plus tôt au travail que Sui, pas même la personne chargée d'ouvrir et fermer le building. Il l'avait stoppé avant même que les lumières ne puissent être complètement allumées.. il avait déjà appelé le taxi et donné les informations de conduite.. Il semblait que Mr.Wells avait planifié ce guet-apens comme un stratège se préparerais à la guerre. Inutile d'argumenter, Sui avait perdu celle-là avant même qu'elle ai commencé. Il se fit à l'évidence et scruta de ses mirettes rosâtres le ticket orangé sur lequel reposait son nom et celui de l'hôtel.



Et voilà que le Taxi partait au loin. Sans sa portière. On dirait bien que Mr.Wells avait flanqué la pauvre si fort qu'elle n'avait la volonté de survivre que pour l'allée et non le retour. Sui aurait bien adressé un regard embarrassé vers le véhicule qui avait eut la gentillesse de l'amener jusqu'ici, mais... mais il semblait que le chauffeur n'en avait rien à cirer. Les gens qui viennent de Death City sont étranges - bien plus que ceux qu'on peut trouver partout ailleurs. Et cette étrangeté se manifestait dès les premiers pas dans le sable brûlant bordant sur l'autoroute. Sui n'eut qu'à regarder au dessus de lui pour voir, à travers le ciel bleuté, d'innombrables silhouettes flottant en allez et en retour.

Il y a quelques années en arrière, ce genre de vision aurait été tout bonnement impensable - des sorcières faisant la course autour de la ville comme si elles naviguaient au dessus d'un parc d'attraction. Sui les observa un moment avant de baisser les yeux sur la ville elle-même.

Death City; une immense ville avoisinant Las Vegas de quelques kilomètres. Sa structure tape-à-l'œil et sa diversité de cultures était suffisamment impressionnante et vaste pour permettre à Neil de faire quelque chose qu'il ne pourrait jamais réellement s'autoriser à faire partout ailleurs où le petit détective pourrait être reconnu pour sa position professionnelle : sortir à la vue de tous. Telle une mascotte, le pistolet démoniaque ouvrit la fermeture éclaire du sac dans lequel il était niché, et parcouru les épaules du petit Meister en faisant usage des bandages longeant le manche; comme s'il s'agissait de deux petits bras. En tournant la tête, Sui fit face au canon de l'arme - leurs yeux se croisèrent; même si l'optique d'avoir le canon du flingue droit dans la tronche avait de quoi le rendre un peu nerveux.

- Essaye d'être au moins "un peu" discret..
- Ah.


Sui avait eut à peu près une demi-heure à naviguer dans le labyrinthe que constituait la ville du dieu de la mort. Voir son arme corrompue demander à droite et à gauche la direction de l'hôtel comme s'il s'agissait d'un compagnon promotionnel pour un anime avait une allure comique mais aussi profondément incriminante. Sa longueur d'âme de folie était à la vue de tout meister sensible de la ressentir; et si ce n'était pas par l'accompagnement clairement volontaire de Sui; il aurait sûrement été exterminé à l'entrée..

Mais une fois de plus, les nouvelles politiques de Shibusen amènent un certain niveau de tolérance, même envers ceux qui ont commis le péché suprême de la consomption d'âmes. Et bien que la dame du standard au grand hôtel semblait toute souriante et réceptive des demandes du duo.. Sui ne pouvait effacer de sa tête que la soudaine reprise d'activités de la dame qui avait précédemment passé 4 longues minutes à blablater au téléphone avec une amie; était en autres dû au fait qu'elle avait un revolver massif pointé sur la caboche. Pauvre Neil; même lorsqu'il se veut paraître inoffensif, il fait flipper les gens.

Sui fut accompagné à sa chambre d'hôtel peu après avoir été donné les clés. Le petit androgyne et son flingue-de-compagnie marchèrent le long des couloirs et croisèrent la route de multiples pensionnaires dont l'attitude était extrêmement détendue en comparaison au staff.. très probablement des étudiants et professeurs de Shibusen; ou le type de personnes habituées à l'existence des armes, tout court.

Et comme personne ne le questionnait sur ses moindres mouvements; Sui se sentait quelque peu apaisé. Peut être qu'il avait mérité ce repos, après-tout! Et quoi de mieux pour célébrer qu'une sieste!

Traçant un petit sourire sur ses lèvres; le petit Meister pénétra dans sa chambre. Sans même prendre une seconde pour scruter les environs ou relever le moindre détail, il se laissa tomber sur le lit moelleux et s'endormis quasi-immédiatement.

Sui bénéficia ainsi, enfin, d'un sommeil réparateur....


Une longue, paisible minute de sommeil, et le petit détective était relevé.

- OKAY! Au boulot!
- ...Comment ça "Au boulot" ? T'as à peine posé ta joue sur l'oreiller et t'as déjà fini...?
- Je déteste perdre du temps. Et puis j'ai fait exprès de garder quelques notes dans mon carn----

Avec un effroi monumental, Sui constata finalement la raison pour laquelle son sac était si lourd. Lui qui s'attendait à voir - en plus de Neil - la plupart de ses effets personnels.. il n'en fut rien. Son carnet de notes n'était pas là. Pas de portable non-plus. Pas de communicateur, de photos de suspects.. Rien. à la place , tout son matériel professionnel avait été remplacé par différents vêtements; balle de stress, un goûter, crème solaire, lotion pour la peau, médicaments, préservatifs accompagnés d'une note "Je crois en toi, Sui"..

- C'EST QUOI TA DEFINITION DE "RELAX" CONNARD!?
- Eh bien concernant cette dernière, si tu mets autant de temps à faire utilisation de cet objet que tu passe de temps à dormir, le vieux sera sacrément déçu---

Le son de la chasse d'eau se fit entendre quelques minutes plus tard. Il semblerait cependant que les toilettes n'aient pas été conçues pour se débarrasser de revolvers par la cuvette.


L'endroit était pour ainsi dire... bondé. Ça avait beau être le matin, à Death City, les visiteurs d'un hôtel comme celui-ci provenaient des quatre coins du monde. Et bien que Sui n'avait pas la souffrance du décalage horaire pour justifier sa présence, il était bien obligé de faire quelque chose pour garder son esprit hors des affaires du travail. Il s'était dit qu'un petit encas lui ferait du bien – pas mal de points sur la carte prépayée lui donnaient accès à un certain nombre d'activités normalement payantes. Pour n'importe qui d'autre qu'un workaholic, ça aurait été une magnifique offre... malheureusement, Sui est ce qu'il est.

Après avoir fait la queue une dizaine de minutes ; le passage de Sui était arrivé.. malheureusement aucun des noms ne semblait avoir de sens. Death City était connue pour être une ville très fière de son style... mais certains mets avaient des noms abracadabrantesques comme « DEATH RAMEN » ou « SUICIDE DOUBLE CROISSANT » - s'il n'y avait pas le dernier mot à la fin de ce genre d'étiquettes, impossible de savoir réellement à quoi s'attendre. Néanmoins après un petit moment, Sui s'installa à une table et attendis l'arrivée de sa commande. Lorsque celle-ci arriva face à lui.. il ne saurait pas dire s'il faisait face à une tentative d'empoisonnement ou un véritable met. Il semblait qu'il avait commandé une plâtrée de choses venant directement du monde des sorcières.. encore un clash culturel duquel il allait être la pauvre victime. Le pain se mettait à ricaner à chaque fois qu'il mettait les dents dessus. Le verre d'eau changeait de couleur toutes les trente secondes. Le sel frappait contre le flacon comme s'il essayait de s'échapper. La seule chose qui paraissait normale et non-corrosive sur ce plateau, était la banane accompagnant le désert ressemblant à une île flottante avec un œil au milieu. Sui dût se résoudre à l'idée que la banane suffirait. Il pris une grande inspiration, heureux d'avoir trouvé un peu de normalité dans son casse-dalle. Après avoir épluché celle-ci....

- AAAAAAAAAAAAAAAHHHHHH !!! LA LUMIERE DU SOLEIL-- !! AAHHH JE SENS MA CHAIRE POURIR !! REMETTEZ LA PEAU JE VOUS EN PRIE ! AAAHAHHHHH---
- ...

Sui re-plaça la peau de la banane sur le visage horrifié et distordu qui s'était formé sur la base de celle-ci. Ses hurlements stridents avaient été courts, mais ils avaient définitivement coupé l'appétit du petit détective qui n'avait au final rien mangé.


C'était peut-être parce que la banane l'avait traumatisé, que le petit détective pris la décision d'aller laver son corps... et ses crimes. L'hôtel – tout comme le reste de la ville – était une véritable éponge de cultures diverses. Cela incluait quelque chose dont Sui était un peu plus familier ; bien que ces mémoires reposaient à son lieu de naissance, le japon. Personne ne l'a demandé mais le voilà tout de même : Le segment Sources Chaudes !

Nu avec une serviette autour de la taille ; Sui semblait un petit peu plus motivé pour cette attraction là : Enfin un truc familier, duquel il ne pouvait pas possiblement être détourné par ses obligations humaines OU professionnelles ! L'eau n'allait pas se mettre à devenir de la lave ou dévorer les gens à l'intérieur – le classique, incontournable bain régénérateur ! Pour la première fois depuis longtemps, le flingue reposant sur ses épaules de Sui (avec un bonnet de bain et une mini-serviette cachant la gâchette) put voir son Meister avec une expression aussi innocente qu'excitée. Après tout ce temps, Sui allait enfin pouvoir être un jeune homme norma--

- Ah, Petite miss, c'est le mauvais côté !
- Uh ?..

Sans crier gare, un jeune homme à l'allure princière enroula les épaules de Sui avec une autre serviette, couvrant la partie supérieure de son corps ; et le guida hors de la salle des hommes et le poussa gentiment vers les femmes. Le pistolet, par respect pour les ladies – ou bien parce qu'il était mort de rire de voir Sui dans une autre situation stupide – descendit de ses épaules et poursuivit son chemin vers la source chaude sans prendre en considération les complaintes frustrées d'un Sui embarrassé et confus.

..Au final, Meister et Arme demeuraient d'un côté chacun. L'endroit était typique, mais l'ambiance était drastiquement différente.. aussi bien globalement, que pour la situation individuelle de Sui et Neil.

Du côté des hommes – si Neil appréciait très grandement son repos ; Les clients qui se trouvaient dans le périmètre du gros flingue pointé sur eux ne partageaient pas réellement ce sentiment de paix. C'était l'inverse, certains tentaient de foutre le camp, d'autres levaient les mains en l'air.

Du côté de Sui.. Il n'était pas seulement en terrain ennemi. Il était un « Espion » malgré lui. Le loup dans le troupeau de moutons. Et il était loin d'être discret dans sa gêne. Joues rouges, yeux écarquillés ; peine à garder la serviette suffisamment basse pour « tout » couvrir.. c'était trop tard pour faire marche arrière. Le prince l'avait lancé aux fauves ; et après son passage, une autre femme l'avait guidé jusqu'ici. Maintenant il faisait face à … l'image que beaucoup aimeraient voir.

- FFF......F.....

Bien sûr, il n'y avait pas que des beautés... mais le ratio était largement en leur faveur. Sui avait vu des femmes dénudées auparavant.. mais ce n'était aucunement dans le même contexte. À l'époque il n'avait même pas le prestige d'être considéré « humain » - encore moins un homme, juste un « jouet ».

- ça ne va pas ?
- AH !!

L'approche d'une grande dame fit presque tomber le petit Meister qui fit de son mieux pour prétendre que rien n'allait mal. Il serra les dents et tenta d'ignorer ses appels avant d'entrer lui-même dans le bain qui.. en tout autres circonstances, et vidées de gens, aurait très certainement été la meilleure expérience de sa visite. Malheureusement..

- F-FLINGUE !! Y'A UN REVOLVER DANS LE BAIN—A L'AIDE !!

la voix d'un homme pouvait être entendu de l'autre côté de la cloison. Les femmes autour de Sui commencèrent quelque peu à paniquer ou prendre des positions défensives en anticipation. Sui, qui avait dors et déjà l'air mortifié pour des raisons complètement différentes ; sembla être ciblé par les femmes les plus responsables qui confondirent sa gène pour une crise de panique dûe à la situation.

- Oh non ne crains rien ! Tu es en sécurité, petite, il y a des meisters et des artistes martiaux ici tout les jours ! Allons allons, du calme.
- Haha je suis cal---LMEEEE ?!

Un enlacement inattendu. Puis un autre. Puis un autre. Sui vivait en cet instant le rêve de chaque homme, et le quotidien d'un protagoniste de shonen. Bientôt, les consolations tournèrent aux caresses de cheveux et épaules – la solidarité féminine, en somme, peu à peu, réveilla une bête endormie en Sui depuis son trauma.

La bête se levait, prête à surgir, et lorsque les murmures, le souffle dans ses oreilles ; la douceur de la peau.. c'était trop pour lui. Il ne pouvait plus l'empêcher.

- Aaah ~ !

Le liquide s'échappa.

….Le liquide rougeâtre s'échappa.

Du trou dans son crâne.

Un cri d'effroi se fit entendre alors que quelques pensionnaires remarquèrent l'éruption d'hémoglobines provenant du crâne d'un Sui ayant rouvert sa plaie à cause du stress. L'expression du petit androgyne était complètement fantomatique, lorsque les infirmières du building vinrent le chercher.


Après avoir reçu les soins appropriés – physiquement en tout cas, mentalement c'est une histoire complètement différente – Sui fut libéré des sources chaudes, et de retour dans le lobby. Le scandale provoqué par la présence de l'arme démoniaque dans les bains fut assez rapidement expliqué par l'arme elle-même ; et un élastique avec un bout de papier sur lequel était marqué « Je ne suis pas dangereux » était accroché au bout du canon. Les deux avaient eut quelque peu de mal à se détendre pour une raison ou pour une autre, et peinaient à choisir une activité qui n'allait pas encore les voir traumatisés ou jugés. Les iris jaunâtres de l'arme démoniaque se posèrent sur le SPA.

Neil était pleinement conscient du complexe de Sui, par rapport aux traces des abus qui lui ont été fait. Il était même extrêmement surpris que celui-ci ai proposé de lui-même d'aller aux sources chaudes malgré le risque que le camouflage ne se dissipes. Étrangement, une fois encore ; Sui fut celui qui mis en avant l'idée d'une autre activité qui mettrait ses défenses à vue de tous.

- J'imagine qu'il y a rien de mal avec un massage.. j'ai juste à fermer les yeux et penser à autre chose que le boulot, pas vrai ?

L'arme démoniaque corrompue était quelque peu fière de son Meister. Même sans l'avoir dit haut et fort, il avait omis le complexe comme un simple détail. C'était indicatif que petit à petit, il arrivait à s'accepter tel quel.

- Exact. Suit les instructions et ne pense à rien.
- Facile facile.

Sui rencontra la masseuse qui venait tout juste de se prendre la tête avec trois gorilles bizarres ; et ayant été témoin de la scène embarrassante ; Sui s'attendait à ce que celle-ci conserve des traits d'animosité... mais aucunement. La vitesse avec laquelle cette jeune femme passait de horriblement énervée à souriante était.. incroyable. Néanmoins, elle n'était pas celle qui allait lui donner le traitement – Nope, c'était le grand monsieur avec les deux prothèses de métal sur lesquelles se trouvaient divers canons lasers et une tronçonneuse. Mais au moins il portait l'uniforme.

Sui tenta de faire abstraction du fait que son masseur allait être quelqu'un qui a probablement déjà décapité des aliens à mains nues ; il se contenta de se déshabiller et se coucher sur la table ; stressé. Il posa sa joue sur l'oreiller et tenta de se souvenir des conseils de Neil.

- Relaxé...Relaxé....Relaxé... Ne pense pas au travail... Relaxé...

Il semblait qu'il y avait quelqu'un avec lui dans la pièce. Un autre client, sur la table en face. Contrairement à Sui ; l'homme couché en face de lui était complètement relaxé. Pas une trace de stress sur son visage – il était calme, en paix, sans la moindre ride sur le visage. Sui était impressionné par ce niveau de calme – c'était presque comme si il était mort !... quoi que..en rétrospective... il est pas un peu « trop » relaxé ?...

- *….COMMENT EST-CE QUE JE PEUX ME RELAXER AVEC UN CADAVRE DEVANT LES YEUX*

Une orbe verdâtre flottait au dessus du dos de l'homme avachis sans vie sur la table de massage. Le regard relax n'était que le résultat que son âme était littéralement en train de danser au dessus de lui. Sui avait les yeux écarquillés et les lèvres fortement mordues. Même en essayant de se relaxer, le job le suivait comme une malédiction. Le type aux cheveux sombres et aux yeux dorés reposait dans une véritable marre de sang. Les chaînes qui retenaient son âme en place affichaient une sorte de compteur – mais tout ces détails passèrent au dessus de la tête de Sui, parce qu'il était trop occupé à péter une durite.

-* OIIIIII ! Il est totalement mort ! Ce type a le cou scindé en deux !! C'est un meurtre !!*

Neil semblait faire signe à Sui de rester calme, au loin.

-* VA TE FAIRE FOUTREEEE ! COMMENT TU VEUX QUE J'IGNORE UN TRUC PAREIL !!*

à mieux y voir, le petit meister remarqua quelque chose d’écrit à l'aide du sang de la victime, sur son oreiller. La victime avait manifestement écrit le nom du meurtrier dans ses derniers moments de vie.

*- C'EST PAS CLUEDO, CONNARD !!*

Mais un indice reste un indice, et Sui savait que s'il restait là sans rien faire, il allait être la prochaine victime. Se penchant de sa table vers celle de la victime ; Sui tenta de voir ce qui était écris. Penchant la tête avec beaucoup de difficulté, il semblait que l'homme ai écrit à l'envers.

- 5318008...

Sui réfléchis profondémment. L'indice, il devait révéler l'identité du meurtrier. Le meurtrier... c'est bien sûr ! Si on le met à l'envers, ça donne...

- T'ES CON ?! T'ES ENCORE AU COLLEGE OU QUOI !?!

le cadavre se mis à sourire comme un attardé.

Sui en avait définitivement ras-le-cul, ignora le Zombie et sa blague de merde et débarrassa le plancher avec son arme démoniaque.


L'option de relaxation à l'intérieur du centre-même était pratiquement devenu une impossibilité. Sui dût se résoudre à l'évidence : il n'était pas fait pour toutes ces choses qui traitent du soin personnel ; et auraient certainement un meilleur temps à entreprendre des actions normales telles que... épier les trois gorilles de tout à l'heure. C'était par chance, vraiment, que Sui les remarqua en sortant du building après avoir enfilé la robe blanche d'été et les ballerines que Mr.Wells avait mis dans son sac pour paraître moins suspect. Neil était quelque peu contraint dans le sac en osier, mais il n'allait pas se plaindre – leur tentative de relaxation avait complètement foiré ; donc voir son Meister de retour à ses habitudes de fliquer les gens suspects ne pouvait que lui procurer un peu de réconfort. Sui n'avait pas la moindre idée du sujet qui avait été discuté par ces trois zoives avant qu'il n'arrive ; mais il était certain d'une chose : ils étaient peu commodes, et semblaient regarder certaines femmes dans la rue de façon très... douteuse. Rien de sexuel à première vue – c'était bien plus chargé en haine qu'en excitation (quelque chose qui ne fut guère difficile à vérifier en faisant usage de la vision spéciale de Neil).

- Ils détestent les femmes ?
- Peut être qu'ils prévoient un kidnapping. Difficile à dire, réellement. Les signaux d'hostilité ne convient pas un motif particulier.
- Et prendre le temps d'analyser dans le monde cognitif prendrait trop de temps..

ça allait être un bon vieux stakeout.

Silencieusement, le petit Meister suivit le groupe. Il ne pouvait malheureusement jamais se tenir assez près d'eux pour entendre leur discussion. Il était déjà suffisamment difficile de les filer ; rien que par la nature très casse-gueule de la cité elle-même ; bâtie sur une montagne, en zig-zag, montées et descentes... honnêtement la structure était si abominablement ridicule que Sui ne serait pas trop impressionné si une rue les voyait avoir à marcher sur les murs.

Mais éventuellement, cette filature rejoint une conclusion un peu plus définitive. Les trois hommes se postèrent à l'entrée d'une certaine rue. Près des bouches d'égout et des bornes d'incendie ; se trouvaient des poteaux tordus dont les extrémités avaient de multiples plumes colorées ; ainsi qu'une note clouée au milieu du bois : Un avertissement pour quiconque entrerais dans cette partie de la zone commerciale. C'était un standard implémenté par la ville il y a cinq ans.. en réalité, il n'est pas rare de voir ce genre de choses dans la plupart des grandes villes du monde, désormais.

- « Zone à haute pollution magique, soyez conscients des risques avant d'entrer. Si vous souffrez de Thabathophilie, Astromanie, ou autres formes d'allergies dûe à l'exposition aux particules magiques ; veuillez rester en dehors de la zone. »
- Je ne pensais pas que je vivrais assez longtemps pour voir un Witchtown se former au milieu de la ville du dieu de la mort.
- Les temps changent, et j'ai besoin de distraction.

Les trois suspects semblèrent prendre un certain intérêt à une jeune femme entrant à l'intérieur du secteur. Cela confirma quelque peu les suspicions de Sui – racistes ou séparatistes ; ces personnes en avaient spécifiquement après les sorcières. Le petit meister esquissa un petit sourire perfide, finalement satisfait d'avoir au moins « un » haut-point dans sa journée. Se levant de sa cachette ; le petit travestis rendit sa poursuite un peu plus agressive lorsqu'il vit les hommes accélérer le pas le long des stands et boutiques. Ils étaient très visiblement après cette femme en particulier.

Et après avoir eut quelques aperçus de la dame entre les passages de la rue avoisinante ; Sui pouvait clairement établir un lien : elle était très belle, tout comme la personne avec qui ils s'étaient pris la tête un peu plus tôt – possiblement une sorcière également.

Même si Sui n'avait que des assomptions sur lesquelles baser ses conclusions dans le second cas ; il n'avait pas besoin de la vision des âmes pour ressentir le signal de la première.

Et soudainement, au milieu d'un croisement entre les rues ; la chasse se stoppa pour les trois partis – le duo, le trio, et la sorcière aux cheveux blancs. Le premier arrêt était celui de la jeune femme : l'un des hommes s'était saisit de son poignet et avait commencé à dire quelque chose à voix haute..même s'il n'eut pas le temps de finir ; car l'affreux sentiment d'avoir un canon de revolver calé sur la nuque eut tôt fait de le fossiliser sur place.

- O-HA-YOOO! ~ ♪

On pourrait presque considérer ça chevaleresque ; venir au secours de la demoiselle en détresse contre les villains thugs de la ville... mais ce n'était pas comme ça, et personne ici ne voyait réellement ça comme ça non-plus. Sui savait qu'il s'agissait d'une sorcière rien que par la pression qu'elle émanait.. et il n'y a pas réellement un tel cas dans ce monde qui pourrait être considéré « sorcière sans-défense ». Et bien sûr, ces types se feraient certainement transformer en compote (figurativement ou littéralement) sans son intervention.. donc réellement, ceux qu'il sauvait étaient ces abrutis.

Ses camarades firent face à Sui avait l'air très énervés ; mais ne semblèrent aucunement le reconnaître comme ce qu'il était : un humain.

- Encore une de ces saloperies.. vous avez appris à manier des armes démoniaques maintenant huh ? Vous voulez tellement être comme nous que vous nous imitez, Hah ?!
- C-Calme, dude--
- Vas-y! Pétasse ! Tires-lui dessus ! Tu crois qu'on a peur de toi ??

Le type avec le flingue sur la nuque n'avait pas l'air d'agréer avec ses amis sur la façon de procéder avec cette situation. La sueur coulant le long de son visage se fit de plus en plus fréquente au fur et à mesure que les deux autres alimentaient le feu sous l'expression glaciale d'un Sui qui ne bougeait pas son arme d'un centimètre.

- T'crois qu'on va faire semblant qu'vous avez pas buté tout nos potes, nos familles, pour vos expériences à la con ? Hah !? VAS-Y TIRE !
- N—Non ça serait mieux si elle tirait pa---
- T'CROIS QU'ON A PEUR DE MOURIR HEIN ?
- o—ou-i?
- VAS-Y ! TU NOUS DOMINERA PAS ! MÊME SI THIERRY CREVE, IL SERA UN MARTYR !
- j—j'ai pas envie de devenir un marty-- les gars svp---
- PRESSE LA DETENTE, POUFFIASSE ! VAS-Y ! TIRE--

- BANG -

La fumée s'échappa du canon de l'arme. Les yeux de l'homme roulèrent derrière son crâne alors que son corps chuta violemment au sol. Les deux zouaves observèrent le cadavre de leur ami ; complètement vidés de leurs couleurs. Des cris suivirent le tir ; mais malgré l’événement tragique, aucun des deux n'eut le courage d'engager l'affrontement contre le petit tireur. À la place, la stratégie de « hurler et fuir » fut priorisée ; laissant le corps dépéris du dénommé « Thierry » à collecter les particules de poussière comme un bon balais. Les regards étaient tournés dans la direction du petit Meister qui venait tout juste de commettre un meurtre de sang froid et ne semblait aucunement perturbé par son action. Il pouvait sentir l'attention des sorcières à l'intérieur des buildings et proches de leurs stands.. Mais ce sont des sorcières, et ce qui suivit ne fit qu'un mixe de rires, encouragements passifs ou moqueries. Sui ignora tout cela et porta rapidement son regard sur la sorcière qui avait été suivie. Pour être complètement honnête, il n'en avait rien à faire des conséquences ayant mené à ça – il ne l'avait jamais considérée en danger pour commencer ; elle était juste un prétexte pour dévier son ennui et disposer de sa frustration.

Malgré tout.. Sui est un membre des forces de l'ordre ; et son passé tragique lui eut appris comment se comporter face aux étrangers amicaux. Il afficha son faciès angélique habituel, et adressa la question appropriée.

- Vous allez bien , mademoiselle ?

Ces mots sonnaient presque comiques venant du garçon qui ressemblait à une demoiselle lui-même ; et la gentillesse dans sa voix contrastait assez clairement avec l'action abusivement agressive qu'il venait d'entreprendre. Cependant, avec un peu plus d'attention, une personne suffisamment informée sur le fonctionnement des armes démoniaques saura avec quelle facilité une arme-à-feu de ce type peut passer de « destructrice » à « non-létale »... Thierry était simplement en train de dormir par terre, inconfortablement. Au moins, lui, profitait d'un peu de repos...

Il y a bien peu de sorcières qui avaient leur langue dans leur poche - il n'était aucunement difficile de voir que celle-là n'était pas une exception à la règle. Et d'une certaine façon, Sui s'en voyait rassuré. Bien qu'il ne s'attendait certainement pas à la voir faire un paillasson improvisé de celui qui avait déjà fait l'amicale rencontre les briques au sol.

Et initialement, c'est là que Sui comptait estomper cette intervention. Il n'était pas du type social, loin de là. Ses interactions avec les acteurs du monde extérieur se limitaient grandement à ses obligations professionnelles et sa curiosité insatiable - un facteur qui, en le cas présent, n'avait aucune emprise sur ses actions à partir de ce point. Il pensait s'en tirer avec une courbette et aurevoir.. mais il n'en eut pas le temps. Si sa propre curiosité venait de se rendormir.. son action avait très certainement éveillée celle de l'inconnue qui lui adressa de nouveau la parole avant qu'il ne puisse avoir l'occasion montrer ses derniers respects et prendre la poudre d'escampette.

Cette option était désormais rayée du planning, Parce que Sui avait officiellement été tiré hors de son élément bien plus loin qu'un bain questionnable ou un massage lugubre - cette fois c'était lui, en tant que personne, qui était le sujet des curiosités.

Et il savait qu'elle n'avait pas tord. S'il s'agissait d'une véritable arme, une action pareille le verrait finir en prison par les standards humains. Celui des sorcières? N'en parlons pas.

Quelque peu hébété par la soudaine question; Sui ne put s'empêcher de voir son faciès angélique doucement se craqueler en faveur d'une mine plus gênée, déstabilisée. Une action comme celle-ci n'était peut-être pas si étrange à Death City; mais il est vrai que s'il était un Meister de seconde zone, cela aurait pu finir bien plus mal qu'avec une bosse derrière la tête du paillasson improvisé.

Le petit androgyne tenta de rationaliser, faire paraître cet excès de force bien moins détrimentaire qu'il n'était impliqué par la sorcière aux longs cheveux d'ivoire.

- Malheureusement, je ne suis pas très solide.. mon ami s'occupe de tout ce qui concerne les mauvaises altercations, haha.

Bien sûr, c'était un mensonge. Avec ou sans l'aide de Neil, Sui était parfaitement de mettre une personne six-pieds-sous-terre si toutes les conditions étaient réunies pour un tel excès de force. Mais il est difficile de déterminer ce genre de choses aux premiers abords. Son corps était après-tout très chétif - une différence drastique en comparaison à son interlocutrice qui ne semblait aucunement avoir besoin de mentir quant son potentiel. Elle en aurait très certainement fait un exemple pour les deux autres, si Sui n'était pas arrivé à temps.

Reconnaissant le manque de bravado de son meister; L'arme démoniaque corrompue repris le flambeau de la discussion afin de ne pas le laisser livré à lui-même. Son iris jaunâtre se figea sur la sorcière - du mieux qu'il put, considérant que l'arme était pointée vers le sol désormais - et sa voix paisible se fit entendre.

- Bien que nous ne sommes pas d'ici; nous sommes pleinement conscients des conflits prenant place à Death City. Peu sont suffisamment imprudents pour naviguer ces rues sans une certaine sécurité.. les lois qui régissent les environs, sûrement, reflètent ce besoin.

Car il est difficile d'échapper aux murmures tentateurs des âmes pures, lorsque mises à nu. Même là où réside le quartier général de la faction anti-démon; Death City avait également le taux le plus haut de naissance d'oeufs de Kishin. Une dualité impressionnante considérant à quel point une situation pareille saurait relever du suicide pour un corrompu naissant ici.. Mais peut être étais-ce là le désir inconscient dont bien des serial killers se voient affublés - celui d'être attrapé, et tué.

Mais par sa réponse, elle avait également clarifié son origine en tant que sorcière. Cela aurait été très utile si seulement Sui avait une quelconque intention d'en savoir plus à propos d'elle... malheureusement pour lui, cela semblait être l'inverse. Il ne pouvait pas quitter son regard. Serait-ce le résultat d'une malédiction? La responsabilité sociale qui est de ne pas impoliment foutre le camp après avoir joué au héros pendant une fraction de seconde? Ou bien étais-ce...

- Hm..

Le rouge aux joues du petit meister semblait suggérer qu'il était tout simplement hébété par la beauté de la jeune femme, maintenant qu'il avait l'occasion de réellement voir son faciès. Elle ne faisait pourtant absolument rien pour captiver son attention, autre qu'être une inconnue au milieu de nulle-part. Mais Sui n'était pas doué avec les gens en général - et certainement pas les femmes qui le traitent comme quoi que ce soit d'autre qu'un bout de viande pour la nuit.

Il chassa ces pensées nocives en secouant la tête; comme si celles-ci avaient un aspect physique collé à sa peau. Se resaisissant, il fit quelques pas en arrière en logeant l'arme démoniaque près du sac en osier; espérant que Neil ne montre aucune résistance quant à sa tentative d'utilisation du NEET-no-Jutsu quand il se trouve être le centre d'attention.

- B-Bon! Content de voir que tout va bien, haha! passez une bonne journée et essayez de ne pas fracasser trop de têt---

Soudainement, il sentit une pression qui le retint sur place. Un autre bâton dans ses roues.

Baissant ses mirettes rosâtres vers la source; Sui remarqua l'emprise d'un acteur inattendu... Inattendu parce qu'il pensait l'avoir éliminé pour au moins quelques heures : Notre ami le thug. Cloué au sol, joue fusionnant avec les briques poussiéreuses, et manifestement incapable de bouger quoi que ce soit d'autre que les éléments de son visage, et son bras, dont la main agrippait fermement la cheville du petit Meister. Bien que profondément endoloris par la balle qui lui avait été tirée dans la nuque; il semblait bien éveillé... parce que ses yeux étaient rivés à un endroit très spécifique. Après-tout, de son point de vue, il ne pouvait que regarder vers le haut.. cela signifiait qu'il voyait sous la robe blanche.

- T'es pas une sorcière--....t'es un me---
- AHH UN CAFARD!

Sui pris quelques pages du livre de la sorcière et jugea nécessaire d'imiter celle-ci en enfonçant sa ballerine profondément dans le visage de l'homme qui roula sur le sol par deux fois avant de revenir dans les bras de morphée pour une durée de temps indéfinie. Cette fois, c'était jusqu'aux oreilles; que la rougeur s'étendait. Il n'avait pas seulement été introduis à un malaise social - il venait d'être publiquement exposé comme travestis devant cette inconnue -- bien que si celle-ci était attentive, elle l'aurait sûrement déjà déduit par son utilisation du mot "content"... même si dans le cas présent, cette subtilité avait échappé la vigilance de son utilisateur lui-même.

Sui observa le travail de son infortune.. la panique avait eut raison de lui. Ce coup avait également imposé une date d'expiration sur sa prétention de "Ne pas être très fort". Car s'il y a bien des sens que l'on peut attribuer à des évènements... les deux dents cassées qui flottaient dans la marre rougeâtre s'accumulant à quelques mètres de la tête de Thierry étaient sans aucun doute significatrices d'un potentiel de violence plus grand qu'initialement indiqué.

- Ah--...ah! J'dois y aller! Bye! Faites attention à vous, hahaha- aa-...

Il était temps pour la grande échappatoire. Le rush final vers le retour à la paix et la solitude. Il tourna les talons dans un élan paniqué et s'élança comme un prisonnier courant vers la liberté!

- ah?

Puis il remarqua que le sol était bien plus proche qu'il ne l'avait anticipé. Le fait que sa cheville venait de violemment cogner la jambe inerte de Thierry avait peut être quelque chose à faire avec la descente pathétique du petit détective. L'élan paniqué procura largement assez de vitesse pour empêcher sa victime de placer ses mains devant lui à temps pour une réception.

Le résultat?..

Joue écrasée sur le sol, fesses en l'air et un diaporama en 4K sur les attributs d'un Sui qui désirait désormais une seconde balle dans son crâne pour devoir s'épargner la douleur de devoir gérer cet embarras.

L'espace d'un instant, il avait baissé sa garde. Sui n'avait pas pour habitude de poser un quelconque préjudice sur une personne ou une autre dépendamment de sa race. Après-tout, il avait été introduis au multiculturalisme de la façon la plus abjecte possible; ce n'était donc pas spécifiquement cette facette de son expérience qui l'avait marqué. Néanmoins.. il semblait que quand ça en venait aux sorcières; certaines dires ne semblent aucunement exagérés. Plus particulièrement leur nature maligne, vicieuse ou bien - dans le meilleur des cas - simplement joueuses. Cette dernière semblait pleinement s'illustrer alors qu'il était remis sur ses deux pieds par les mouvements de la jeune femme.

Il était un peu de la même manière qu'un bébé-crocodile tenu par le cou : tétanisé et immobile, n'attendant que d'être relâché pour recommencer à prendre son autonomie. Malheureusement pour lui, "Autonomie" est un mot auquel il ne risquait de plus avoir accès durant les prochaines phases de la journée. Car si les gifles préventives avaient annoncé par elles-mêmes un certain aperçu des choses à venir; c'est réellement les paroles qui suivirent et le rictus vicieux de la jeune femme au grand chapeau; qui glaça le sang du petit Meister.

Car à ses mots, de multiples scénarios traversèrent son esprit. Aucun d'eux n'était plaisant. Une simple faute de conduite avait ouvert une véritable pléthore de possibilités dont la sorcière pourrait abuser pour obtenir n'importe quelle information désirée. Sui se mordit la lèvre inférieure, l'air visiblement paniqué; tentant de forcer le bas de la robe à couvrir plus qu'elle ne devrait être capable.

- Ah--ahah.. je -- euh...

Ce n'était pas aussi simple qu'un simple embarras. C'était une chaîne d'évènements dont la destination mènerait très certainement à quelque chose de bien plus drastique qu'un peu de bégayements et d'excuses pour être un "Pervert". La réalité était simple : Il n'avait pas sa plaque sur lui, Aucun moyen de confirmer son appartenance aux forces de l'ordre ou bien même être un inspecteur spécial. Là où les choses se tenaient.. il n'était rien d'autre qu'un étrange petit vicieux se trimballant avec une arme démoniaque émettant des signaux de folie malgré elle. Du point de vue de la sorcière, il pouvait tout aussi bien être un fétichiste possédé par une entité démoniaque; cherchant une excuse pour faire usage de l'arme.

Un rapide regard vers le pistolet démoniaque dont les bandages serraient son poignet bien plus fort qu'initialement, était suffisant pour Sui à comprendre ce à quoi son partenaire pensait : Ne pourrions-nous pas simplement la tuer? Pas réellement. Cela allait aussi bien contre son credo que le sien; sans mentionner qu'il s'agit d'une sorcière.. le type d'adversaire qu'ils n'ont pas encore eut la chance (ou l'infortune) d'affronter. La deuxième question aurait certainement été "Pourquoi ne pas simplement admettre être un pervers?" - Cela provoquerait une inspection - ou une arrestation, dans le pire des cas. Si normalement, cela ne serait pas un problème parce que Neil pourrait se cacher dans le sac... Il n'y avait pas de sac. Identifier Sui correctement viendrait à devoir également déclarer la présence de cette arme .. entre autres, quelque chose qu'il ne pouvait aucunement se permettre de laisser les forces de police savoir.

La vie n'est pas facile pour un tueur-en-série, même un autoproclamé "justicier".

Et le regard intense de la sorcière ne l'aidait pas à se calmer. Même sous l'intense pression que causait le fait d'être essentiellement coincé dans un traquenard sans issue; son inexpérience avec la gente féminine avait de très clairs effets. Il était cuit, et pour ainsi dire, il n'y avait réellement qu'une seule option depuis le début.

Faisant abstraction de toutes options impliquant la violence ou les supercheries; Sui détourna ses mirettes rosâtres dont l'éclat paraissait presque terne en comparaison à ses joues.

- Je remplace ma sœur à son travail, je viens juste de débaucher..

Plus une justification passagère qu'un mensonge complet. Il était vrai qu'il avait remplacé sa jumelle à son travail.. pour des raisons bien plus lugubres qu'un peu de fatigue; et à un travail bien plus haineux qu'une prestation au cabaret. Mais essentiellement, son apparence d'aujourd'hui était profondément encrée à ces raisons - Son corps était un temple entièrement dédié à se souvenir de celle qu'il a laissé derrière. C'était peut être pour cela que même si ses paroles étaient mensongères, elles paraissaient très correctes.. car à un certain degré, elles étaient vraies. Il n'avait simplement jamais vraiment "débauché"; et il n'aura très certainement jamais de jour de congé avant qu'il ne passe l'arme à gauche.

Sui amena sa main libre à sa joue poussiéreuse et essuya les particules grisâtres de son visage du revers de sa main. Il n'arrivait même plus à placer son regard dans la direction générale de la jeune femme. Il se contentait de regarder les fonds de la ruelle en ignorant du mieux qu'il pouvait l'attention qui leur était donnée par les commères longeant chaque buildings et stands de cet endroit.

Mais il savait qu'elle n'avait rien demandé de tel qu'une "justification".. non, loin de là. Ce que ses paroles impliquaient était évident : du chantage. Comme un chat qui venait d'attraper une souris par la queue. Les circonstances forcèrent le petit brun à admettre sa défaite par les paroles qu'elle voulait certainement entendre depuis le moment où il l'avait involontairement flashée avec le peu de masculinité qui lui reste.

- Je veux pas de problèmes.. s'il y a quelque chose que vous voulez, j'le ferais. à un certain degré...

Cette dernière précision était involontaire et complètement subconsciente. Sui se croyait toujours avoir un certain niveau de contrôle sur la situation. La vérité étant que - peu importe si cette sorcière était consciente ou non des plus gros bagages qu'il portait - badumtss - il ferait face à un complet échec-et-mat' avec la justice si l'existence de Neil Wargrave avait à être retracée à Sui.. la série de meurtres se verrait enfin avoir une bonne explication; même sans l'information de leur mode opératoire atypique.

C'est donc avec une naïveté presque enfantine que Sui plaçait quelques espoirs sur la possibilité que cette sorcière ne soit pas aussi mauvaise que les contes et rumeurs propagandaient. Son air paniqué fut doucement mais sûrement remplacé par un sourire gêné, remplis d'incertitude et d'espérances naïves.

- Soyez gentille?.. s'il vous plait?... ah--aha..

Avec un peu de chance, elle lui demandera de porter des bagages ou bien de participer à ses achats.. Si les choses venaient à tourner au pire, en revanche; il n'aura d'autres choix que de prêter son oreille aux pulsions plus.. désinvoltes, de Neil. La manière dont les bandages pressaient l'indexe de Sui près de la gâchette était significatif que l'Arme démoniaque ne comptait pas laisser son Meister foncer droit dans un piège... bien qu'intérieurement, il était aussi extrêmement amusé à l'idée de voir son meister danser comme un pantin pour chasser l'ennui.

Remplacer sa sœur ? Bien sûr, et Lorelei était la prochaine en ligne pour le siège impérial de la Chine. Ce qui rendait le mensonge absurde pour la sorcière était la seule présence du pistolet démoniaque. Malgré le fait qu'elle avait vu des armes incroyablement brutales entre les mains de techniciens à l'apparence chétive, il y avait des limites. Un personnage représentant une jeune femme avec une personnalité timide et réservée comme il tentait de projeter n'aurait aucune raison de se déplacer avec un partenaire sous une forme aussi violente et n'aurait probablement pas violenté une personne avec si peu d'hésitation. Surtout qu'elle ressentait beaucoup trop bien la folie émanant de l'arme de poing à cette distance. La relation intime entre la magie et la folie expliquait peut-être pourquoi elle ressentait les ondes d'insanité contre son âme comme une odeur pestilentielle dans une pièce fermée.

- Ho! Ho! Ho! Ho!

Rit-elle, visiblement exagéré, le bout des doigts devant les lèvres. Cette réaction qu'elle avait tiré au jeune homme lui était plus qu'hilarante. C'était probablement l'instinct destructeur des sorcières qui en était la cause. Un instinct primal et malveillant, de la même taxonomie que l'instinct carnassier d'un prédateur apex qui a mis à terre sa proie du jour et s'apprête à porter le coup de grâce avant d'enfoncer son visage dans ses viscères. Voir un être plus faible que soi se tortiller et frémir impuissamment apporte toujours un certain plaisir à une personne qui se croit supérieure, une croyance qui est ancrée dans les fondements de l'âme des affiliés à la magie. Mais ce qui séparait les érudits des barbares, les Docteurs Jekyll des Messieur Hyde, c'était l'habilité de réprimer ces bas instincts et agir avec grâce et civilité. Surtout pour une personne comme Lorelei qui se devait d'avoir un respect, disons professionnel, avec ses cibles pour s'empêcher de les sous-estimer.

Elle devait quand même maintenir l'intégrité de sa mascarade pour demeurer insoupçonnée de tous les côtés ; pour le moment, elle ne pouvait pas se permettre de collectionner les ennemis. Après tout, elle en aurait probablement plus qu'elle pourra en compter une fois son plan mis en œuvre. L'ensorceleuse pencha légèrement la tête vers l'avant de sorte que le rebord de son chapeau dissimule ses yeux alors qu'elle laissait son sourire malsain s'élargir.

- Implorer une sorcière d'être gentille. Une demande extravagante s'il m'a déjà été donné d'en entendre!

Elle releva la tête, avec un sourire plus neutre cette fois et haussa les épaules. Au vu du regard de son interlocuteur, il s'imaginait définitivement une liste de situations soit abjectes, soit terrifiantes. C'était divertissant en soi. Ce qu'elle voulait surtout, c'était d'avoir une discussion bien profonde et précise sur un sujet en particulier. Elle devait rechercher la matière et bien la comprendre avant de l'utiliser.

- J'ai plusieurs emplettes à faire et une paire de main en plus serait utile. Je ne dirais pas non, non plus, à un breuvage froid, je n'ai pas l'habitude d'une telle chaleur. À ce moment, je réfléchirai à quelque chose d'autre...

Lorelei tourna les épaules vers l'Emporium magique et le pointa du doigt pour signaler sa première destination et se mit à marcher lentement vers l'établissement.

C'était pas bon. Elle mordait pas à l'hameçon. à la place, le filet s'était complètement entouré autour du cou de Sui et le traînait au plus profond des abysses. "Ce petit pervers m'a flashée au milieu de la rue".. il pouvait imaginer la tronche de Mr.Wells lorsqu'il verra par ses propres yeux ce que son collègue fait avec les vêtements qu'il lui a donné.

Une énième goutte de sueur coulait le long du visage du petit androgyne alors qu'il observait la jeune femme au grand chapeau lui tourner le dos - un sourire perfide décorant ses lèvres lorsqu'elle lui eut adressé ses dernières paroles. Neil ne partageait aucunement l'inquiétude de son manieur; non, à la place, il se foutais ouvertement de sa gueule en émettant des sons d'aboiement. Et honnêtement... qui pourrais le blâmer pour ça? Sui s'était effectivement donné le titre d'animal-de-compagnie de la sorcière - pour ce qu'il espérait, ne serait qu'une seule journée. Il soupira profondément, forçant les plis de sa robe à couvrir autant de terrain de son corps que possible; avant d'afficher une mine bien plus véritable : agacé, haineux, et plus que tout, humilié. Il vint à accepter sa situation, sachant qu'il ne pourrait adopter son air véritable que lorsque son géôlier aura le dos tourné; et se devra de jouer l'innocent imbécile aussi longtemps que ça l'amusera. 

Il suivit la sorcière silencieusement. Son sourire avait complètement disparu, et son air gêné également. Il semblait avoir adopté une vision tunnel - non-différemment de la manière dont il observe ses proies. Il n'y avait aucun plaisir à tirer de ça et il le savait. Il pouvait sentir le regard inquisiteur des sorcières aux alentours à un tel point qu'il n'avait même pas besoin de détacher ses mirettes rosâtres du balancement hypnotique des grandes oreilles sur le chapeau du maître-chanteur. Les aboiements agaçants de Neil vinrent éventuellement à se stopper - parce qu'ils étaient arrivés à destination.

Ce n'était pas une grande boutique, mais ce n'était pas complètement à l'extérieur non-plus. Charmante pancarte d'ébène sur laquelle étaient gravés et peint le nom exact prononcé par la sorcière plus tôt - Emporium Magique. Avec un nom pareil, même un touriste égaré saurait exactement dans quelle zone de la ville il se trouve.. et il faut dire que la devanture avait de quoi exprimer l'origine surnaturelle des produits vendus à l'intérieur, bien plus que les pancartes et autres stands à l'extérieur. Les deux figures féminines et le flingue passèrent la porte d'entrée. Enfin.. l'une des deux portes, en tout cas. Il semblait y avoir un petit hall entre les deux - probablement une mesure de sécurité pour empêcher des articles magiques vivants de se faire la malle avec trop de facilité.. ou bien étais-ce pour contenir une haute concentration de magie? Aucune idée, mais c'était assez serré - une autre indication que cette boutique n'était pas réellement parée à recevoir beaucoup de visiteurs simultanément. Une chance que Sui soit si minuscule; un peu plus que ça et il aurait eut une seconde accusation d'indécence envers son kidnappeur.

Et finalement.. ils étaient à l'intérieur. Comme il est attendu de toute boutique dédiée à la magie, l'ambiance était mystique et glauque. Bien qu'il n'avait jamais pénétré dans un endroit comme celui-là auparavant; Sui avait entendu bien des rumeurs à propos des coutumes de la race. La magie tire ses propriétés paranormales en partie par les sentiments négatifs générés par les âmes - folie, peur, ressentiment, haine.. le plus on remonte la trace vers les origines, et le plus il est simple de comprendre comment est-ce qu'une race dont l'âme est naturellement accoutumée à cette force, peut être considérée comme si perverse et destructrice. Et Sui n'était qu'un simple humain - l'ambiance glauque avait de quoi le mettre mal-à-l'aise et agripper un peu plus sérieusement le manche de l'arme à feu. Bien sûr, c'était instinctif. Il ne pensait pas sérieusement être en danger dans un endroit comme celui-ci.. cependant, les sorcières sont des créatures imprévisibles; et bien plus d'une ont profité de l'ignorance de leurs proies pour leur jouer des tours. 

Silencieusement, il observa la jeune femme s'éloigner un peu plus de lui. L'idée lui traversa quelques instants de faire demi-tour et courir aussi vite que possible... mais une fois encore : c'est une sorcière. Peu importe à quel point Sui pouvait être agile, il avait peu de chance de semer quelqu'un qui pourrais simplement enfourcher un balais et jouer à chat avec lui.

- Calme.

La voix de Neil vint une énième fois le sauver de sa sale manie de trop penser. S'il allait être prisonnier de la grande dame dans l'immédiat; il ferait tout aussi bien d'essayer d'obtenir une meilleure compréhension du monde dans lequel il se voyait attiré contre son gré. 

Il balaya la boutique des yeux ; Toutes les étagères étaient à peu près à la même taille que lui - seule son éternel épis semblait dépasser de celles-ci, comme un requin se dissimulant sous l'eau. Cette même antenne se balançait de haut en bas au rythme de ses mouvements à travers les allées; alors qu'il observait les étranges articles à droite et à gauche, toujours dans la trace de la sorcière aux cheveux d'ivoire. 

Et ce n'était pas que l'ambiance - les objets en vente, eux-mêmes, avaient une allure des plus déconcertantes. Des paires d'yeux de tout types qui le suivaient, des pattes de singe qui se tiennent les-unes-les-autres comme une guirlande, de multiples poudres fluorescentes dans des jarres, une pomme bizarre qui se met à former un visage et pleurer des larmes de sang..

- ..Grandir autour de trucs comme ça.. c'est pas étonnant que la majorité de ces femmes sont cingl--

Sui se stoppa un peu tard. Il n'avait pas réalisé qu'il parlait à voix haute cette fois. Sa voix n'avait pas été perdue entre les murs du magasin non-plus : le silence qui demeurait dans cet endroit était tel qu'il était littéralement impossible pour la sorcière de ne pas l'avoir entendue. Mais il n'était pas d'humeur à subir des répercussions pour un énième clash de cultures; alors il se contenta de détourner le regard et gonfler une joue comme un enfant qui vient d'être surpris à faire une bêtise.

Et bien qu'il aurait été normalement prône à un remontage de bretelles, il fut sauvé par le gong. Littéralement.  Le puissant son délivré par l'instrument de bronze résonna aux quatre coins de la boutique; et fit sursauter les créatures vivantes enfermées dans leurs cages et bocaux. Le cœur de Sui sauta dans sa poitrine à de multiples reprises - un tel silence, complètement écrasé en une fraction de seconde, il y avait de quoi être surpris... pour un non-habitué - sa géôlière semblait complètement s'en ficher, comme si elle était habituée.

Le son du gong suivit une transformation du texte rougeâtre au dessus du comptoir. La couleur et la position du phosphore qui affichait le texte "CURRENTLY AWAY" passa du rouge au vert; affichant  désormais "AVAIBLE FOR BUSINESS". Il y avait maintenant une femme au comptoir, vêtue d'une longue robe sinistre et d'un chapeau dont une énorme langue dépassait. Plus étrange que le reste de son accoutrement, était une petite étiquette accrochée à son chapeau. L'étiquette était.. absurdement générique, le genre de designs qu'on s'attendrait bien plus à voir dans un supermarché ou une cafétéria - extrêmement colorée, presque juvénile. Mais ça avait le mérite d'être lisible. 

Après avoir repris ses esprits, Sui leva les yeux vers les deux femmes l'une après l'autre avec un air quelque peu confus, comme un poisson hors de l'eau. Mais avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, l'employée des lieux ouvrit le dialogue avec sa géôlière d'une manière quelque peu inattendue. 

- Mignon petit chien! tu vas le manger?

Comme si les coutumes du monde des sorcières n'étaient pas suffisamment bizarres par elles-même; leur dialogue était encore pire. La voix de l'employée était tellement tordue que Sui ne parvenait même pas à décrypter quelle émotion elle attachait à sa question. Est-ce que c'était littéral? est-ce que les sorcières dévorent les gamins qu'ils trouvent dans la rue? Ou bien étais-ce aguicheur? Les sorcières sont-elles toutes aussi familières et rapides à parler de ce genre de choses en présence d'inconnus? - Le petit androgyne paniqua en silence; prenant quelques pas en arrière par pur réflexe.

- A--...Assistant. Euh-- AssistantE. Ass--...
- HAHA, ASS! GOTTEM'!

La sorcière au comptoir se mis à éclater de rire à la pensée du mot et claqua ses genoux ensemble en hilarité.

Les sorcières sont d'étranges créatures. Elles vous blackmailent pour un accident; Elles se font rire toutes seules avec des blagues d'école primaire.

Le petit détective attendit patiemment que l'attention ne soit détournée de lui et que les deux femmes fassent business pour qu'il remplisse son rôle de porte-bagage en silence.

Une vraie bouffe d'air frais. La sensation lugubre enivrante que le magasin dégageait eut tôt fait de faire tourner la tête du petit androgyne peinant à mettre un pied devant l'autre en tenant les sacs. Pas qu'ils étaient particulièrement lourds ou quoi que ce soit - non, c'était simplement la sensation épuisante résultant de la pollution magique concentrée en un endroit fermé. Même s'il y avait toujours un certain niveau de pollution dans l'air dû à la nature de cette zone de la ville; Le nabot pouvait enfin exprimer son soulagement d'avoir retrouvé un bon sens de l'équilibre. Cette expression s'afficha en extérieur sous la forme d'un soupir très prolongé; Ignorant partiellement la dame à ses côtés qui semblait dors-et-déjà marcher avec une destination en tête.

Sui ne bougea pas pour un moment, préservant sa posture défaitiste, alors que ses yeux rosâtres vinrent à fixer les craquelures des briques sous ses pieds. Il tentait de refléter sur ses actions - après tout, par pure inadvertance, il s'était mis un collier et une laisse  et l'avait donné à une parfaite inconnue. C'est pour ça qu'il détestait l'idée de se relaxer - c'était une excellente manière de baisser sa garde sans s'en rendre compte; Un état d'esprit que les opportunistes sauront exploiter à leur maximum.

Il fermas un œil et dirigea l'autre vers le contenu des sacs. étrangement, cette liste de course avait une dégaine moins.. excentrique, que les autres articles du magasin. Pour certains de ces objets; c'était presque comme s'il s'agissait de produits que l'on pourrait se procurer dans n'importe quelle boutique d'herbes médicinales. Malheureusement, il était encore un peu trop tôt pour Sui de réaliser que la plupart des bizarreries tape-à-l'œil du monde magique brillent plus par leur apparence étrange que leur réelle utilité. Et désormais, son regard se posait sur la consommatrice elle-même. Plus tôt, la vendeuse eut mentionné beaucoup d'actions...suspicieuses. "Explosions" et "Invisibilité", en particulier, avaient de quoi stimuler la curiosité du petit androgyne. Son occupation était; après-tout, extrêmement douteuse aux yeux de la loi - un peu comme ces implications.

Et pour un Serial Killer, avoir une plus longue liste de méthodes d'escapades et autres manières de brouiller les pistes, était une idée très alléchante. Lorsque Sui repris le pas, il adopta à nouveau son faciès angélique et faussement optimiste - bien que toujours visiblement gêné; aussi bien par l'idée d'être seul - enfin presque - avec une jolie femme ayant des informations compromettantes à son sujet, mais aussi le fait qu'il faisait office de porte-bagages. Au moins, elle avait eut la clémence de ne pas tout lui refiler - un détail qu'il appréciait grandement.

- "Explosions".. "Invisibilité".. Est-ce que vous faites souvent ce genre de choses?

Une question indiscrète. Malheureusement, même si la sorcière avait à y répondre, Sui ne le saurait pas. Car immédiatement après avoir passé les pancartes annonçant la délimitation de la zone magique; le petit androgyne tomba sur les genoux. Le malaise était extrêmement soudain et brutal - l'impression que le monde entier se tordait et s'étendait dans de multiples directions et dimensions.. Un sentiment de vertige des plus inconfortables; et pourtant très typique chez les êtres humains n'ayant pour ainsi dire aucun contact avec la pollution magique au quotidien.

Si son estomac n'était pas un-temps-soi-peu aux sensations fortes, il aurait très certainement donné un aperçu de son déjeuner - ou l'absence de celui-ci, directement sur le sol, au milieu des sacs. C'était un miracle qu'il ne les avait pas renversés.

- Sui!

Un autre lapsus problématique. Mais Neil ne pouvait pas réellement s'en empêcher.. et ce n'était pas réellement comme si la sorcière s'attendait à ce que "Suiko" soit un vrai nom porté par un garçon. L'arme démoniaque corrompue se laissa tomber de la main de son Meister et enroula les bandages autour de son front pour quelques secondes. Le faciès du petit détective était pour ainsi dire.. intense. Des gouttes de sueur se succédaient sur sa peau, et plus particulièrement sur son visage - Le résultat d'une âme pure coincée entre deux puissantes sources d'énergie paranormale : folie dans une main, et magie tout autour.. la réception fait bien plus mal que la chute elle-même. Le retour à la zone normale était un sacré coup, et la respiration accélérée en disait long sur son besoin de prendre une pause.

Malgré tout, Sui avait mémorisé les paroles de la sorcière. Même si elle avait énoncé ça sur un air joueur, il y avait beaucoup de véracité dans ces mots. Implorer une sorcière pour de la clémence était une idée dont la légitimité bordait sur la comédie; alors il n'attendrait rien d'elle. Il serra les dents, pris une grande inspiration et tenta de maladroitement se remettre debout. Il semblait que sa réaction n'était pas complètement inattendue de sa géôlière en considérant son manque de surprise - elle devait déjà savoir l'effet qui serait produit.

- Ahh... ah...

Mais contrairement à l'implication.. la sorcière avait effectivement montré quelques signes de compassion. Il n'était pas celui qui tenait tout les sacs, pour exemple. Et là, manifestement - même s'il s'agissait probablement plus d'un besoin de conserver sa seconde paire-de-mains du jour; Elle l'avait attendu plutôt que de continuer sans lui.

Le petit androgyne, titubant quelque peu mais finalement debout; fronça les sourcils et riva le regard vers la rue en face d'eux. Une petite minute de marche et ils se retrouveraient sur la place principale du Death Bazaar. Et bien que l'idée d'être une fois de plus entouré d'une dense populace; il savait qu'il pourrait au moins trouver de quoi se rafraichir les idées là bas.

Dû à une certaine volonté de conserver un semblant de dignité par rapport à sa condition, Sui tenta (vainement) de cacher la nature de son moment de faiblesse.

- Désolé. J'ai rien mangé de la matinée.

Il se mis à rire nerveusement en tentant de reprendre la marche maladroitement. Cette fois, il semblait que c'était lui qui menait la troupe. Il ne se rendait pas vraiment compte qu'il marchait devant la sorcière plutôt que derrière... quelque chose que Neil ne manqua cependant pas de remarquer, montant le long du corps de son Meister et se plaçant sur son épaule en se tournant vers la sorcière. Le résultat était.. quelque peu menaçant. Si le Meister était un temps-soi-peu jovial et apologétique dans sa démarche; l'Arme démoniaque corrompue, elle, avait adopté une position hautement protectrice de son Meister, braquant le canon de l'arme directement sur la sorcière. Et bien qu'il pourrait être argumenté qu'il ne faisait que regarder dans sa direction.. c'était réellement plus dû au fait qu'il savait Sui être dans un moment de faiblesse; et tourner le dos à n'importe qui, dans un tel état; épelles souvent la fin pour un tueur-en-série.

Et peut être était-t-elle suffisamment confiante en ses capacités pour ne pas se sentir trop menacée par cette action entreprise par le flingue; car le reste de la route se passa sans mention de celle-ci. Les deux partenaires d'infortunes et leur géôlière se retrouvèrent finalement à l'une des nombreuses entrées du Death Bazaar - la place commerciale principale de la ville; là où les stands s'étendent à perte de vue devant les grands escaliers et la fontaine. Tout ces gens semblaient avoir beaucoup de fun.. une sensation que Sui ne comprenait pas réellement; moins encore maintenant qu'il devait se coltiner l'impression qu'il venait de traverser le Sahara avec des sacs de shopping.

éventuellement, la sorcière le dépassa, semblant elle-même chercher leur prochaine destination. Pendant ce temps là, Sui s'approchait de la fontaine; plongeant ses mains dans l'eau fraiche et l'éclatant sur son visage dans l'espoir de se remettre les idées en place. L'attitude étrange de Sui sembla attirer quelques regards, mais il les ignorait complètement. Ses yeux étaient fixés dans son reflet déformé par le flot cristallin. Il était visiblement perplexe.

- C'est ça que les gens impliquaient, quand ils disaient que le premier rancard est malaisant.
- ...C'est pour les amoureux, ça, pas les victimes de blackmail.
- ...Est-ce que tu pense que l'amour peut fleurir sur le champ de bataille?
- Cette référence montres ton âge, Petit Sui.
- Ta gueule, j'suis encore jeune!

Sui soupira profondément et se releva, reprenant les sacs dans ses bras et tournant sur ses ballerines pour faire face à la sorcière; réaffichant le faciès enfantin d'un bon toutou coopératif.

- C'est ma première fois à réellement venir à Death City en civi--..

à peine une demi-seconde de clarté et il avait déjà fait une connerie. Son expression passa immédiatement de l'archétype de "la mignonne amie d'enfance qui habite à côté" à "quelqu'un vient de découvrir mon placard remplis de cadavres" en un battement de cils. Les yeux grand ouverts, et peinant à garder son sourire angélique sans donner l'impression d'être en train d'avoir une attaque de panique frisant la schizophrénie; il poursuivit sa phrase nonsensique avec l'espérance (vaine) qu'elle n'ai rien remarqué de son intonation.

- Civi----Civi..Civilisation! Y--Yeah! je préfère rester à la maison! aha..ahahha...

Satisfait de son sauvetage (et complètement ignorant de sa crédibilité plus boiteuse qu'un coureur de marathon percuté par un semi-remorque); le petit androgyne réafficha son adorable minois souriant.

*- Laisse rien transparaître, Sui, souris juste, souris juste.*